Le site de généalogie de Catherine et Michel Meste



Bernard Boulain sieur de la Rivière,

au temps de la République Malouine

(d’après les Mémoires de Nicolas Frotet de la Landelle)




Auteur : Catherine Meste-Nerzic (Sosa 1)
 

Est présenté ci-dessous un épisode de la vie de mon ancêtre Bernard BOULAIN (Sosa 32686) durant la République Malouine (1590-1594), moment important de l’histoire de la Bretagne. La source principale en est l’ouvrage de Nicolas Frotet de la Landelle, l’un des acteurs principaux de cette période, que l’on pourra trouver sur internet dans Gallica.

 

  1. Introduction

Les Mémoires commencent en 1584. La guerre civile fait rage en France, entre :

- la Ligue, parti des catholiques qui désirent qu’un roi catholique succède à Henri III, menée en Bretagne par le duc de Mercœur, gouverneur .

- les Huguenots,  menés par le roi de Navarre, futur Henri IV, qui soutiennent son accession au trône de France

- le roi de France Henri III, sans héritier direct, qui s’oppose aux ligueurs et aux huguenots.

Saint-Malo en « Bretaigne » est une ville de bourgeois tournés vers le négoce : c’est leur seule préoccupation. Catholiques, ils soutiennent la Ligue, tant qu’elle ne contrecarre pas leurs projets commerciaux.

Les pouvoirs en place dans la ville sont les suivants :

- d’abord l’évêque, seigneur de Saint-Malo, et son chapitre de chanoines. La moitié seulement des chanoines est composée de clercs pouvant dire la messe. Ils ont à leur tête un doyen. Au moment où commence le récit, le nouvel évêque n’est pas encore en place.

- le pouvoir royal, incarné par le gouverneur du château, nommé par le roi. Il a pour l’assister un lieutenant et une garnison. Le château est « une île à côté d’une île ».C’est un quadrilatère flanqué de quatre tours. La mer monte à la base des tours. Des portes avec leurs ponts- levis, une seule  permet un accès direct de l’extérieur, les autres donnent sur la ville. Le gouverneur du château est le sieur de Fontaines, son lieutenant le sieur de la Peraudière

- enfin, sous le couvert des deux premiers, il y a les habitants. Depuis « la reine Anne », les bourgeois ayant un certificat de bourgeoisie ont le droit d’élire un procureur des bourgeois. En 1584, le Procureur-Syndic est Jean Le Large, sieur de la Barre.

Le gouverneur du château est le neveu de l’ancien gouverneur Monsieur de Bouillé. C’est un fidèle du pouvoir royal, favori du précédent roi de France, il se tient donc autant que possible à l’écart de la Ligue. Les malouins trouvent ridicules ses toilettes et son allure d’homme de cour. « Il est loin des allures paternelles et pleine de bonhommie de son prédécesseur » a pu écrire Joüon des Longrais en préfaçant  la réédition des mémoires de Frotet de la Landelle. Peu soutenu par le roi Henri III, il doit même faire appel à ses deniers propres et à des hommes de son domaine de Touraine pour entretenir le château.

C’est dans ce contexte que les bourgeois de Saint-Malo décident de prendre leur avenir en main. Une assemblée générale des habitants décide en avril 1584 de nommer un nouveau procureur pour 1585, bien que le mandat de Jean Le Large ne finisse que dans six mois. C’est Robert Boulain, sieur de la Contrie.

 Carte ancienne de Saint-Malo

  1. 1585 : le Conseil des Conservateurs

Le 12.4.1585, les bourgeois et habitants assemblés élisent un conseil de douze membres « pour pourvoir aux choses nécessaires à la conservation de la place, repos et sûreté des habitants […] il fut aussi résolu que pour éviter les surprises […] et qu’il n’y arriva du mal, on prendrait les armes et entrerait en garde, tant de jour que de nuit » écrit Frotet de la Landelle. Il ajoute que les douze conservateurs « furent commis aux pouvoirs aux conditions suivantes : qu’ils communiquent de tout au sieur de la Péraudière lieutenant du gouverneur, que de tout il serait conféré avec Monsieur le Doyen pour avertir les sieurs du Chapitre , seigneurs spirituels de la ville ; que seraient aussi de leurs délibérations le sénéchal, l’alloué ou les deux ensembles ; que neuf des douze députés pourraient délibérer et conclure ; que néanmoins en cas et matière importants ils feraient leur rapport en la Maison de Ville pour y être ordonné par tout le général ».

Joüon des Longrais a pu écrire : « A part Robert Boulain Contrie qui ne tardera pas à devenir suspect, cette réunion de douze bourgeois fut le centre d’action durant toute la durée de la Ligue. Elle fournit exclusivement jusqu’en 1596 les procureurs syndics, les capitaines du château et les quatre capitaines généraux. La plupart de ses membres se maintinrent aux élections suivantes, ou n’en sortirent que pour  y rentrer en occupant des charges donnant une voix délibérative. C’est bien là le noyau, non pas de la Ligue, dont ils se séparèrent bientôt, mais de l’autonomie malouine »

Liste des douze conservateurs, membres du conseil au 12.4.1585

Robert BOULAIN sieur de la Contrie, né en 1550, procureur des bourgeois, élu dès 1584

Bernard BOULAIN sieur de la Rivière, né en 1517, il décèdera en 1592

Etienne GAILLARD sieur de la Simonay, né en 1517

Jean Le LARGE sieur de la Barre et de la Ville-es-Naux , procureur jusqu’à l’élection de Robert Boulain, décèdera en 1591

Jean POREE sieur du Tertre Gallais né en 1510

Charles JONCHEE  sieur de Belestre , né en 1540, procureur en 1576

Guillaume JONCHEE sieur du Fougeray, décèdera en 1600

Jean PEPIN sieur de la Belinaye, né en 1545, décèdera en 1602

Jean PICOT sieur de la Gicquelaye, né en 1549

Guillaume Le FER sieur du Gras Larron, né en 1544, il décèdera en 1628

Josselin FROTET de la Landelle, né en 1536, décèdera en 1620

Bertrand Le FER sieur du Limonay, né en 1540, décède en 1604

François GROUT sieur du Clos Neuf, né en 1537

 

Dans ce conseil, on trouve des « anciens » septuagénaires, mais la plupart des conseillers sont quinquagénaires. Bientôt, leurs fils viendront les rejoindre pour des missions précises.

Les anciens

Bernard Boulain sieur de la Rivière né en 1517, notre ancêtre (Sosa 32686) compte des parents et alliés dans le Conseil. Le procureur Robert Boulain est un cousin, ainsi que François Grout Clos Neuf. Etienne Gaillard est le père de Guillaume Gaillard Villedo, gendre de Bernard Boulain.

En plusieurs occasions, Bernard Boulain, Jean Le Large et Etienne Gaillard seront les envoyés du Conseil  vers le Chapitre, le Gouverneur et d’autres interlocuteurs dans des négociations.

En 1590 et 1591, c‘est entre les mains de Bernard Boulain, doyen du Conseil que le nouveau procureur syndic prêtera serment après son élection.

En septembre 1590, les sieurs des Chesnes et de la Rivière sont commis pour mettre en bouteilles une barrique du vin le plus excellent et de les joindre à trente bouteilles de vin des Canaries, des oranges et des limons en cadeau au duc de Mercœur lors d’une négociation.


Saint-Malo
  1. La république malouine

Le 23.12.1588 le duc de Guise, chef de la Ligue, est assassiné sur les ordres de  Henri III.

Le Procureur Syndic Picot de la Gicquelaye, qui a remplacé Robert Boulain Contrie (suspect d’intelligence avec le sieur de Fontaines, gouverneur du château,  durant son mandat) fait alors élire quatre capitaines généraux pour encadrer  les quatorze capitaines ordinaires de la ville : ce sont trois membres du conseil : Guillaume Jonchée, Jean Pépin et Guillaume Le Fer, auquel s’ajoute Michel Frotet de la Bardelière, cousin de Josselin Frotet. Le nombre de conseillers passe à dix-huit. Les »anciens » sont réélus. Sont nommés des hommes de loi du Chapitre : maitre Charles Chevillé, sieur du Val, Sénéchal ; maître Guillaume Lesné, sieur des Huperies, alloué ; maître Nicolas Jocet Rivière, procureur fiscal ; maître Olivier du Pré Poupardière, receveur du Chapitre. Sont aussi nommés des membres de la plus jeune génération.

Liste des 18 conservateurs membres du Conseil du 7.4.1589 :

Jan PICOT sieur de la Gicquelaye, né en 1549, réélu, procureur des bourgeois

Bernard BOULAIN sieur de la Rivière, né en 1517, réélu, décédera le 21.8.1592

Etienne GAILLARD  sieur de la Simonnaye, né en 1517, réélu

Jean LE Large sieur de la Barre, réélu, ancien procureur en 1583

Josselin FROTET de la Landelle, né en 1536, réélu

François GROUT sieur du Clos Neuf, né en 1537, réélu

Bertrand Le FER sieur du Limonay, né en 1540, réélu

Henri BOULAIN sieur du Vivier, né en 1520

Jan GOUVERNEUR sieur de Saint Etienne,  né en 1532

Etienne GAULTIER sieur de la CORGNAYE né en 1531, décèdera en 1593

Jean POREE sieur de la Salle

Jacques POREE sieur des Quatre Vays, né en 1537, décédera  en 1599

Guillaume PEPIN sieur de la Coudre et du Boiscleret, décédera en 1600

Guillaume Jonchée sieur des Croix, né en 1543

Alain MAINGARD sieur de la Planchette, né en 1548

Maitre Charles CHEVILLE sieur du Val, né en 1560, Sénéchal de Saint-Malo en 1587

Maitre Guillaume LESNE sieur des Huperies, né en 1544,alloué de Saint-Malo en 1587

Maitre Nicolas JOCET sieur de la Rivière, né en 1556, procureur fiscal de Saint-Malo

Maitre Olivier Du PRE sieur de la Poupardière, né vers 1542, receveur du Chapitre

 

Le 14.8.1589, l’assassinat du roi Henri III déclenche la poursuite puis le bannissement des huguenots de Saint-Malo. Parmi eux, des parents ou alliés des Conservateurs : les familles sont divisées.

Pour mon ancêtre Bernard Boulain Rivière, il dut être douloureux de voir accusés :

- maître Georges Prébieux, notaire, son ami : Bernard a été parrain de Bernardine Prébieux le23.8.1579,

- Jean Thomas, sieur du  Pignonnet, son gendre (mon ancêtre Sosa16342) avec plusieurs membres de la famille Thomas,

- Gilles Grout (mon ancêtre sosa32670), mari de Thomasse Boulain, une cousine de Bernard,

- son cousin Robert Boulain Contrie, ancien Procureur Syndic.

 

Fin 1589, le nouveau roi de France et de Navarre Henri IV, dans sa lutte contre les Ligueurs,  se rapproche de Saint-Malo : il est à Laval. Le Gouverneur de Saint-Malo annonce aux habitants qu’il est décidé à ouvrir les portes de la ville au nouveau Roi.

En réaction, le Conseil, voulant s’affranchir du pouvoir royal dans la ville, décide de s’emparer du château le 11 mars 1590. Au cours de l’opération, le gouverneur de Fontaines fut assassiné dans des circonstances mal élucidées.

Les bourgeois s’affranchissent également du pouvoir de l’évêque par la mise à l’écart de l’évêque Charles de Bourgneuf,  récemment nommé.  Dans la ville,  seul  le Chapitre peut encore s’opposer aux projets du Conseil : des négociations permettent de surmonter l’obstacle.

C’est grâce à ces événements que Saint-Malo a pu conquérir son autonomie, et que l’on a pu parler de République malouine.

Au cours de cette période, l’autonomie fut importante : le Conseil maintient des relations privilégiées avec la Hollande, l’Espagne, l’Italie, et délivre des lettres de marque reconnues par les puissances d’alors.

Le récit de Nicolas Frotet de la Landelle ne se poursuivra pas jusqu’à  la fin de cet épisode…

Pour Bernard Boulain,  l’année 1591 débute malheureusement par le décès  de son fils Bernard, au cours d’un naufrage qui coûta la vie à de nombreux  autres  parents. Lui-même décèdera le 21.8.1592 à Saint-Malo. Son fils Jean Boulain, sieur de la Rivière (1553-1619) le remplacera au Conseil.

  1. Epilogue : le pardon

L’historien Gilles Foucqueron,  dans son ouvrage de 1999 « Saint-Malo 2000 ans d’Histoire » écrit : « La Ligue s’affaiblit. Henri IV se convertit le 25.7.1793. Des négociations entre le pouvoir royal et les bourgeois aboutissent à l’Edit de réduction d’octobre 1594 dans lequel Henri IV embrasse tous les malouins d’une paternelle affection. La peine de mort encourue par 117 malouins est abolie. L’intégralité des privilèges de la ville sont sauvegardés ».


Bernard Boulain et sa femme Guillemette Aubry ont eu quatorze enfants, dont huit filles. La première née, mon ancêtre Jacquette (Sosa 16343), a épousé Jehan Thomas, sieur du Pignonnet (cité plus haut). Bernard a été le parrain de nombreux petits-enfants qui lui ont assuré une importante descendance.

 

 




Auteur : Catherine Meste-Nerzic.      Pages réalisées avec Kompozer.