Le site de généalogie de Catherine et Michel Meste |
Michel
Meste (Sosa 1)
La Compagnie
Bordelaise des Produits Chimiques, qui sera souvent appelée « La Bordelaise », est une société
anonyme constituée le 3 juin 1891, créée par les frères Sylvain et Jules Félix Mathieu. Son
siège social est 28 place
Gambetta à
Bordeaux. Son objet est « le commerce et la fabrication des
engrais,
produits chimiques, agricoles et industriels, et, d’une manière
générale, de
toutes matières simples ou composées utiles à l’agriculture et à
l’industrie,
du superphosphate en particulier ». Elle sera cotée à la Bourse de
Paris
ainsi qu’à celle de Bordeaux.
Son Conseil
d’Administration est composé de Sylvain Mathieu
(président), Jules Félix
Mathieu, Etienne Mathieu, Joseph Lafourcade, Thomas Dodd Lawther,
Théophile
Migeon.
Faisons un peu de
généalogie.
Sylvain
Augustin Bonaventure Mathieu est né le 24 septembre 1849 à
Caylus
(Tarn-et-Garonne). Il est le fils de Jean
Félix Mathieu (dit Félix,
chaudronnier
à Caylus, né en 1816) et
d' Anna Merly. Sylvain se
mariera le 7 mai 1875 à
Caylus avec Marie-Sylvie Marty, et ils auront trois enfants :
·
Felix
(né en 1870, qui se mariera avec Adrienne Sarret, et décèdera en 1933)
·
Marie-Thérèse
(née en 1879), qui se mariera avec Joseph Antoine Lafourcade (on
retrouve ce
dernier dans le CA), et enfin
·
Etienne
(né en 1884, lui aussi au CA), qui se mariera avec Marguerite Migeon.
Le père
de cette dernière n’est autre que Théophile Migeon (membre du CA).
Sylvain
décèdera en 1938 à l’âge de 89 ans.
Il avait deux frères et une soeur : Clovis Sylvestre Mathieu
(né en 1853), puis Jules Félix
Mathieu (né
en 1854 aussi à Caylus, qui décèdera en 1925), qui a créé La Bordelaise
avec
son frère, et qui se mariera en 1879 à Caylus avec Lucie Emilienne
Marty. On le retrouve au CA aux côtés de Sylvain. Et enfin Lucie Clara Clothilde
Mathieu (née en 1856), qui se mariera avec Pierre Auricombe en
1878 et aura de
lui René Alban, qui sera directeur à La Bordelaise.
Dans la Revue Philomatique
de Bordeaux et du Sud-Ouest du 1er janvier 1920 (à retrouver sur Gallica),
il est mentionné qu' Edouard Mathieu (fils de Jules Félix Mathieu et
époux de Madeleine Migeon), administrateur de La Bordelaise,est
ingénieur des Arts et Manufactures. De même, Etienne Mathieu (fils de
Sylvain, lui aussi administrateur) est licencié es-sciences et licencié
en droit.
On voit donc le caractère
familial de cette création
d’entreprise. Nous n’avons pas pu retrouver qui était Thomas Dodd
Lawther.
Cette société, créée en
1891 pour 30 ans, sera prorogée en
1907 jusqu’en 1991.
Depuis sa création, « L’affaire prospère rapidement et prend ensuite un
développement
considérable. De très grandes usines sont bâties à Bordeaux, Sète
(appelée Cette
avant 1927) et Rouen. En 1926, l’inauguration de l’usine de Nantes, la
plus
puissante d’Europe, est sans doute l’apogée de l’entreprise ».
[voir le blog de J.P.
Pierrot http://jean-pierre.perriot.com/la-compagnie-bordelaise-des-produits-chimiques
].
Après la crise de 1929,
cette expansion va devenir plus
difficile. En 1934, on voit apparaître au Conseil d’Administration
René-Paul
Duchemin, dirigeant du grand groupe Kuhlmann, comme vice-président. En
1940, après
le décès de Sylvain (décédé deux ans avant), on retrouve René-Paul
Duchemin président
de La Bordelaise, le vice-président étant Etienne Mathieu, fils de
Sylvain.
Un article dans « Le
Monde » du 24 avril 1950
mentionne les difficultés de La Bordelaise :
En 1960, la Compagnie
Bordelaise des Produits chimiques
affirme fièrement qu’elle est n°3 en France pour la production des
engrais
chimiques, après Saint-Gobain et Kuhlmann [blog
de J.P. Pierrot].
En 1965, elle fusionnera
avec les Etablissements Kuhlmann
(qui deviendront Ugine Kuhlmann).
Deux travaux accessibles
en ligne donnent des précisions sur
les engrais chimiques et les trois premières entreprises du
secteur que
sont Saint-Gobain, Kuhlmann et La Bordelaise, particulièrement entre
les deux
guerres :
La fabrication de leurs
produits (y compris le fameux Phosamo,
dont on reparlera dans le chapitre suivant), se fera dans les usines de Nantes, Bordeaux,
Sète (Frontignan) et Rouen.
On pourra trouver sur
internet des précisions sur les usines
de La Bordelaise :
On peut lire dans le Midi
Libre (21/02/2021) :
« Comme la Mobil, Saint-Gobain ou
Lafarge, La Compagnie Bordelaise de Produits Chimiques, alias La
Bordelaise, a
fortement marqué le paysage industriel local (…). Elle l’a même
transformé,
disposant de son propre appontement (…). Elle avait aussi sa propre
voie ferrée
et assuré le comblement de l’étang sur la partie concernée ».
C’est dans cette usine de
Sète qu’a travaillé un cousin de
Pierre Meste : il s’agit de Paul
Hourticq, né en 1895 à Lescar. En 1928,
on le retrouve Chevalier de la Légion d’Honneur, chef de fabrication
dans
l’usine de Rouen de La Bordelaise, et habitant à Petit-Quevilly. Il
sera muté
plus tard à Sète.
On trouvera dans l’ouvrage
de
Alain Queruel : « Notre chimie à l’heure allemande »
quelques
précisions sur le fonctionnement du secteur de la chimie sous
l’occupation.
Le Phosamo,
qui a beaucoup contribué au succès de La Bordelaise, et aussi a suscité
beaucoup de fierté chez tout le personnel de l’entreprise, a été mis au
point
en 1927, comme en témoigne le rapport du Conseil d’Administration du 17
décembre 1927 (consultable sur Gallica). Citons ce
rapport : « Nous
tenons à ne pas rester au-dessous des progrès de l’industrie allemande.
Nous voulons, au contraire, être toujours au premier rang dans la
fabrication
des produits rentrant dans le cadre de notre industrie ».
Pour
décrire cet engrais, plongeons dans les documents qui étaient largement
distribués dans le milieu agricole, en France mais aussi à l’étranger,
par
exemple la plaquette de La Bordelaise ci-contre.
Un
descriptif sommaire :
Le Phosamo
est un engrais complet, c’est-à-dire à trois éléments
fertilisants essentiels : azote, acide phosphorique et potasse. Il
est
entièrement obtenu par combinaison chimique, sans addition d’aucune
matière par
mélange. (…) Le Phosamo, ainsi produit et complètement terminé en une
seule
opération aux réactions simultanées multiples, se distingue donc de
tout
mélange.
On peut
trouver dans Gallica, à l’adresse :
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k7583846h/f3.item.r=phosamo.zoom
un article
pédagogique sur les engrais complets obtenus par combinaison chimique,
publié
dans L’Echo d’Alger du 4 septembre 1934 par L. Cassarini, directeur
honoraire
des services agricoles et qui mentionne le Phosamo.
Il avait
déjà, trois ans auparavant, vanté cet engrais :
« … de
tels engrais composés obtenus par
combinaison chimique et non par simple mélange, existent déjà ;
ils ont
été utilisés dans la métropole sur des plantes qui sont à la fois des
cultures
des colonies et de la métropole telles que le tabac et le maïs, l’un
d’eux a
donné des résultats vraiment concluants : c’est le Phosamo. Nous
ne
pouvons qu’en recommander l’essai aux cultures proprement
coloniales ».
Référence :
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6384739n/f17.image.r=phosamo?rk=107296;4
Parmi ses
qualités (homogénéité, éléments fertilisants qu’il apporte, neutralité,
facilité de conservation et d’épandage…), on insiste beaucoup sur son
prix (à
rendement équivalent).
Trois
variétés de Phosamo sont proposées avec des dosages différents :
« normal », « organique » et « riche ».
Plus tard
cette gamme s’enrichira avec la variété
« spécial ». Chaque
variété
se verra conseillée selon la culture en question : céréales,
betteraves
sucrières, vignes, pommes de terre, maïs-grain, tabac, cultures
maraîchères,
cultures fourragères, arbres fruitiers.
On peut
trouver dans la thèse de P. Martin quelques précisions sur cet engrais.
Outre le
Phosamo, La Bordelaise vendra aussi la fameuse « bouillie
Bordelaise » qui a permis de lutter contre le mildiou, mais aussi
plusieurs autres produits pour lutter contre les parasites comme le
Bortox et
le Sultox.
La Bordelaise avait
plusieurs agences régionales. Dans le midi, il y avait celles de
Montpellier et
de Perpignan, et surtout celle de Toulouse. C’est dans cette dernière
que
Pierre Meste (Sosa 2), après un petit nombre d’années passées à
Bordeaux, a été
muté et y a travaillé jusqu’à sa retraite. Elle avait aussi créé, le
plus
souvent au sein des agences ou des usines, des « services
agronomiques » à Bordeaux, Paris, Amiens, Avignon, Montpellier,
Nantes,
Rouen et Toulouse.
Cette
agence toulousaine avait à l’origine ses locaux
au 2 allées Alphonse Peyrat (qui s’est appelée ensuite Allées François
Verdier), tout près du Grand-Rond, en sous-sol (ce n’était pas bien
grand…). Son
directeur était alors C. Prévot. Par la suite, elle a déménagé au 29
allées
Jean-Jaurès, à l’angle de la rue Belfort, dans un immeuble dont
ils
occupaient tout l’entresol, et P. Meste est devenu alors directeur.
Il y avait là une équipe qui comprenait un secrétariat, une équipe technique (ingénieurs agricoles) dédiée aux conseils agronomiques et une autre plus commerciale. Ils faisaient du négoce, dans toute la région, vendant en gros (en particulier à des coopératives) des engrais ou autres produits chimiques que l’on a mentionnés plus haut.
Parmi
les gros clients de La Bordelaise, figurait en
bonne place la C.A.L. de Castelnaudary
(Coopérative Agricole
Lauragaise).
Après
la crise de 1929, la réunion d’un nombre important de producteurs de la
région est devenue une évidence, et fut
alors créé
« Les Greniers Réunis des Agriculteurs
Lauragais »
(GRAL), qui voient le jour en 1932. Après la guerre, ils se regroupent
avec d’autres coopératives pour devenir la
C.A.L. En 2008, elle se fondra avec Audecoop et La
Toulousaine des Céréales pour créer Arterris.
Le
jeune garçon que j’étais profitait bien des repas
pantagruéliques (souvent à base de cassoulet et de foie gras) qui
étaient de
mise dans ce milieu agricole, mais aussi était très content de
bénéficier des
objets publicitaires que La Bordelaise distribuait à ses clients
(carnets,
buvards, protège-cahiers…).
Bien
évidemment, l’équipe commerciale voyageait pas
mal dans la région pour garder le contact avec les clients, en assurant
aussi
une présence de la Compagnie dans les foires et autres manifestations
agricoles. Ci-dessous : un stand en 1952 de La Bordelaise au Concours
Agricole de
Toulouse, allées Jean Jaurès (Pierre Meste à droite).
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La
Compagnie Bordelaise des Produits Chimiques : quelle
belle réussite industrielle, et quel bel exemple
de création familiale !
En
guise de conclusion, reprenons pour finir la remarque faite dans le blog
de
Jean-Pierre Perriot par les signataires de l’article « Mais où
est donc
passée la Compagnie Bordelaise des Produits Chimiques ? » :
« …on peut
se demander comment, dans une région aussi peu industrialisée que le
Sud-Ouest
à la fin du XIXème siècle, des entrepreneurs comme les frères Mathieu,
qui
n’étaient ni ingénieur ni banquier ni chimiste, ont réussi à prendre le
dessus
sur des dizaines d’entreprises concurrentes. »